16Jun

Au commencement, rien que l’ombre et le silence. Puis, lentement, dans le velours du vide, une lumière timide s’éveille. Au centre de l’infini, un joyau tourne : la Terre. Elle pulse tel un cœur vivant. Sa beauté n’a pas de nom, sa lumière n’a pas de source. Elle est. Et ça lui suffit.

Des océans d’azur dansent autour de masses de terre sculptées par l’amour. Les montagnes prient en silence. Les rivières dessinent des veines de lumière. Chaque feuille, chaque plume, chaque brin d’herbe chante sa gratitude d’exister. Le monde respire, pur, vaste, sacré. C’est la plénitude.

Alors peut apparaître l’humain. 

Ils marchent d’abord avec douceur. Leurs mains caressent, leurs yeux s’émerveillent. Ils écoutent le vent, ils s’écoutent, parlent aux bêtes, bénissent la pluie. Ils savent que le visible, derrière, est soutenu. Le monde les reconnaît comme ses enfants. L'époque est rafraîchissante.

Mais déjà, leur regard change.

Ils nomment les choses. Ils mesurent, tracent, possèdent. Le feu qu’ils portent en eux devient orgueil. Ils séparent, hiérarchisent, exploitent. Ce qui était don se métamorphose en ressource. Ce qui était mystère se mue en marchandise. La Terre, leur Mère, se change en esclave. 

Et les messages se taisent. Ils perdent la communication d’avec le soutien du visible.

La vie se resserre. Les arbres tombent en silence, les rivières sont ligotées, les animaux s’éteignent sans témoin, au mieux dans l’anonymat, au pire dans d’atroces souffrances. Le ciel noirci, les océans se vident. Des cités de métal s’élèvent, aveugles et sourdes, où les enfants naissent sans jamais toucher la rosée. L’humain se croit roi. Il est bourreau. 

Alors arrive le temps du déluge sans eau.

Le feu descend, la glace fond, les vents frappent. Le globe tremble, l’air suffoque. L’humanité se débat dans sa propre perdition, ivre de bruit, incapable d’entendre les supplications de la planète, de leur Mère qui souffre. 

Et puis vient le soubresaut de la terre. Alors tout s’éteint. D’un coup. Il ne reste que des ruines. Des cendres grises sous un ciel muet. Un globe mort dérivant dans l’abîme.

Au-dessus de ce tombeau sans nom, plane la grande Âme. Incommensurable. Pure. Infiniment seule. Elle ne juge pas. Elle ne comprend pas. Elle pleure. Une seule larme, brillante comme un astre sans pareil, coule doucement. Lorsqu’elle touche les ruines, elle ne fait aucun bruit. Mais une lumière, brève et immense, jaillit. Tel un pardon accordé en offrande. Pareil à un dernier salut. 

Et le silence se referme. Sacré. Absolu. Tout va recommencer.


Vincent


18May

Tu es venu du silence des cieux,
Porté par l’ombre d’un souffle ancien.
Ton cœur battant a parlé dans les lieux
Que seuls les anges visitent sans rien.

Ton corps si pur, fragile et déjà sage,
A fait plier le temps sous sa clarté.
Et dans nos bras s’est gravé le passage
D’un monde en toi venu nous visiter.

Tout s’est ouvert : nos doutes, nos prières,
Nos vies tissées de larmes et d’amour.
Tu as donné, sans savoir, sans frontières,
Un sens profond à l’éclat de nos jours.

Sois ce mystère au creux de notre veille,
Cette étincelle entre ciel et chemin.
Sois l’invisible au bord de nos merveilles,
L’éternité cachée dans une main.


Vincent

04May

C’est troublant ! Il est là devant moi. C’est troublant ! Parfois, il bouge et parfois non. Il aime le calme et moi aussi. C’est troublant ! Il fait quelques mimiques, bouge un peu, un rien. C’est troublant! Il cligne des yeux, articule quelques mots… C’est troublant ! Il vient de se lever, fait quelques pas et maintenant il se rassoit. C’est troublant ! Je pensais tout savoir sur lui. Sa façon de penser, ses non-dits, ses dits… C’est troublant! Je croyais connaître ses désirs, ses moindres coins et même ses recoins, mais je viens prendre conscience que je ne sais de lui que ses contours, quelques expressions d’idées vaguement exprimées, quelques dates citées… C’est troublant ! Je viens de saisir, tel un flash fulgurant, que je ne perçois rien de son intérieur. Il est juste là, avec l’inconnu derrière l’apparence. Au-delà, l’absence, la non-connaissance, le vide, rien. C’est troublant ! Je réalise seulement ne rien vraiment connaître de son véritable lui, juste des idées que je me suite fait, juste des croyances que j’ai confectionnées, pour me faire croire que derrière l’apparence, les contours, ce n’est pas le vide. Illusion ! C’est troublant ! Pire encore, le phénomène est identique avec chaque autre être que je croise. C’est troublant ! Très troublant !


Vincent

20Apr

Y a-t-il exemple plus criant de ce que l’Humain se doit d’accomplir pour réaliser ce pourquoi il est né, que celui du Nazaréen mis en croix ?


Il monte seul, vers l’outil du trépas,
Chaque pas suinte l’abandon voulu.
Il sait le prix, il connaît le combat,
Mais livre tout, même l’inconnu.

La chair se fend, le sang bat en tambour,
Les clous s’enfoncent dans la conscience nue.
L’ego se tord, hurle son dernier tour,
Avant de pourrir sur la croix tendue.

Puis le silence fend le temps brisé,
Une paix nue descend comme une pluie.
Rien ne demeure que l’Être apaisé,
Sans nom, sans forme, sans abri.

La lumière s’élève sans effort,
Et ce qui renaît ne connaît la mort.
Il n’est plus “moi”, il n’est plus dehors, 
Seul Vivant, pur éclat sans torts.

06Apr

(Texte inspiré par Sheller William)


Aujourd’hui, l’orage est planté dans la tête brisée du gamin. Il se souvient du vieux chien et de la maison jolie. Dès la présentation, Nicolas ne souhaitait dire bonjour au monsieur à la main bien épaisse. Déjà, il pressentait son malheur ! 

Intuitivement, Nicolas savait que le diable était présent. Les autres, ceux qui l’avaient emmené, faisaient semblant de rien. Nicolas veut pas rester ici.

Mais on installe le petit dans la chambre au-dessus de l’escalier. On lui dit qu’il doit être raisonnable, qu’il dormira bien mieux dans un grand lit de deux. Dans l’air, l’odeur du tabac froid et une seconde qu’il ne connaît pas.

Enfin viennent les adieux, ils le laissent là, sans défense, avec le monsieur qui n’a pas que la main bien épaisse. Et depuis c’est l’enfer trois fois semaine. Émietté de l’intérieur, au début déchiré de l’extérieur, Nicolas voulait rester chez lui. Je comprends maintenant pourquoi.

 
Combien de Nicolas de nos jours dans notre civilisation ? Combien ?

27Mar

Quand l’ombre vient poser son voile,
Le cœur s’endort sans un frisson,
Un souffle court, une étoile,
Et l’âme fuit sans horizon.

Le corps s'efface en douce pluie,
Mais tout ne meurt dans ce silence.
Un chant s'élève et puis s'enfuit,
Vers un ailleurs, une espérance.

On croit la fin, c’est un passage,
Le vent murmure un nom connu,
Derrière l’ombre, un doux visage,
Juste un monde jamais vu.

Nul ne revient pour le décrire,
Mais dans la paix, on peut sentir
Que l’invisible aime à s’ouvrir
À ceux qui savent le pressentir.


Vincent

16Mar

Ils tirent… 

     Ils tirent le bon numéro 

     puis ils oublient les autres…

Ils tirent… 

     Ils tirent ensuite au hasard 

     comment mettre le bazar…

Ils tirent… 

     Ils tirent sur la corde

     commandant cohortes…

Ils tirent… 

     Ils tirent aussi les ficelles 

     pour jouer à leurs jeux…

Ils tirent… 

     Ils tirent le bouquet final 

     et devant nous tout s’étale...

Et les pauvres ères… 

     Oui, les pauvres ères à leur tour tirent 

     tirent sur leurs semblables sans savoir...

Puis ils tirent… 

     Puis, ils tirent leurs révérences, 

     ricanant et rigolant suintant de sarcasmes…

Et pour finir… 

     Et pour finir ils recommencent 

     à outrance, à outrance…

Comme le disait Anatole… 

     On croit tirer pour notre patrie 

     mais on tire pour leur économie 

     pour leur économie...


Vincent

Chères, Chers abonné(e)s, j'ai le grand plaisir de vous inviter au Salon des écrivains verviétois ce 22 et 23 mars. Je serai présent ainsi que nombre de mes collègues.



26Feb

Les rues s’emplissent de clameurs,
Un grand défilé de couleurs,
Des masques rient, des corps se frôlent,
Sous les confettis qui s’envolent.

On danse, on chante, on se déguise,
On feint la joie, l’âme exquise,
Mais sous le fard et les dentelles,
Que cache-t-on sous ces chandelles ?

Est-ce l’éclat d’un jour de fête,
Ou le reflet d’un monde en quête,
Où chaque soir, sans fanfare,
L’on revêt d’autres étendards ?

Au bal des ombres quotidiennes,
Les costumes sont plus souverains,
Cravates, sourires, mots de scène,
Même sans masque, rien n’est certain.

Alors, carnaval, jour d’aveux ?
Ou simple jeu dans un grand jeu ?
Car si l’on rit, si l’on parade,
La mascarade… est-elle là-bas,
Ou bien ici, sous d'autres masques,
Portés sans bruit, tous les jours, sans frasque ?


Vincent

09Feb

Le retour des grues cendrées 

Le ciel s’ouvre en un bleu profond, tacheté ici et là de nuages éparpillés, légers comme des promesses pouvant s’évanouir à tout moment. L’air est encore froid, mais quelque chose d’indéfinissable flotte, un frisson qui devance les grandes retrouvailles. J’aime. Et puis, soudain, ce cri venu d’ailleurs, clameur « trompettante », qui précède l’apparition tant attendue. 

Là-haut, elles arrivent. Je les découvre. 

Elles dansent avec le vent, majestueuses, formant leur V si caractéristique. À les voir ainsi, ailes grandes ouvertes, avançant d’une cadence régulière, presque méditative, on pourrait croire qu’elles sont éternelles, qu’elles n’ont jamais arrêté de voler. Les grues cendrées reviennent, après avoir fui l’hiver du nord, et, avec elles, l’espoir d’un renouveau. 

Elles passent au-dessus des plaines et des forêts, survolant les terres endormies qui frémissent déjà sous la promesse du printemps. Elles connaissent la route par cœur, une mémoire tissée dans leurs os, un appel gravé dans leur sang. Chaque année, elles réapparaissent, et chaque année, l’émotion est pour moi intacte. 

Je lève les yeux, fasciné, humble face à cette migration millénaire qui me dépasse. Leur passage est un lien entre les saisons, un fil invisible qui relie le ciel aux racines du monde. Dans le silence qui convient à leur cri, il reste une vibration dérobée, comme une empreinte dans l’air, un écho qui dit : 

« Nous sommes de retour. » 

Et je les regarde disparaître à l’horizon, le cœur empli de gratitude. 

Merci. 

Vincent